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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Poésie, tome I.djvu/764

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Promenant sur un roc où passent les orages

Sa pensée, orage éternel.


Qu’il est grand, là surtout ! quand, puissance brisée,
Des porte-clefs anglais misérable risée,
Au sacre du malheur il retrempe ses droits,
Tient au bruit de ses pas deux mondes en haleine,
Et, mourant de l’exil, gêné dans Sainte-Hélène,
Manque d’air dans la cage où l’exposent les rois !

Qu’il est grand à cette heure où, prêt à voir Dieu même,
Son œil qui s’éteint roule une larme suprême !
Il évoque à sa mort sa vieille armée en deuil,
Se plaint à ses guerriers d’expirer solitaire,
Et, prenant pour linceul son manteau militaire,

Du lit de camp passe au cercueil !


II


À Rome, où du Sénat hérite le conclave,
À l’Elbe, aux monts blanchis de neige ou noirs de lave,
Au menaçant Kremlin, à l’Alhambra riant,
Il est partout ! — Au Nil, je le rencontre encore.
L’Égypte resplendit des feux de son aurore ;
Son astre impérial se lève à l’orient.

Vainqueur, enthousiaste, éclatant de prestiges,
Prodige, il étonna la terre des prodiges.
Les vieux scheiks vénéraient l’émir jeune et prudent,
Le peuple redoutait ses armes inouïes ;
Sublime, il apparut aux tribus éblouies

Comme un Mahomet d’Occident.


Leur féerie a déjà réclamé son histoire ;
La tente de l’arabe est pleine de sa gloire.