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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome II.djvu/414

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NOTRE-DAME DE PARIS.

moments dans la vie où l’on est toujours de la religion du temple qu’on a sous la main.

Elle resta ainsi prosternée fort longtemps, tremblant, à la vérité, plus qu’elle ne priait, glacée au souffle de plus en plus rapproché de cette multitude furieuse, ne comprenant rien à ce déchaînement, ignorant ce qui se tramait, ce qu’on faisait, ce qu’on voulait, mais pressentant une issue terrible.

Voilà qu’au milieu de cette angoisse elle entend marcher près d’elle. Elle se détourne. Deux hommes, dont l’un portait une lanterne, venaient d’entrer dans sa cellule. Elle poussa un faible cri.

— Ne craignez rien, dit une voix qui ne lui était pas inconnue, c’est moi.

— Qui ? vous ? demanda-t-elle.

— Pierre Gringoire.

Ce nom la rassura. Elle releva les yeux, et reconnut en effet le poëte. Mais il y avait auprès de lui une figure noire et voilée de la tête aux pieds qui la frappa de silence.

— Ah ! reprit Gringoire d’un ton de reproche, Djali m’avait reconnu avant vous !

La petite chèvre en effet n’avait pas attendu que Gringoire se nommât. À peine était-il entré qu’elle s’était tendrement frottée à ses genoux, couvrant le poëte de caresses et de poils blancs, car elle était en mue. Gringoire lui rendait les caresses.

— Qui est là avec vous ? dit l’égyptienne à voix basse.

— Soyez tranquille, répondit Gringoire. C’est un de mes amis.

Alors le philosophe, posant sa lanterne à terre, s’accroupit sur la dalle et s’écria avec enthousiasme en serrant Djali dans ses bras : — Oh ! c’est une gracieuse bête, sans doute plus considérable pour sa propreté que pour sa grandeur, mais ingénieuse, subtile et lettrée comme un grammairien ! Voyons, ma Djali, n’as-tu rien oublié de tes jolis tours ? Comment fait maître Jacques Charmolue ?…

L’homme noir ne le laissa pas achever. Il s’approcha de Gringoire et le poussa rudement par l’épaule. Gringoire se leva. — C’est vrai, dit-il, j’oubliais que nous sommes pressés. — Ce n’est pourtant point une raison, mon maître, pour forcener les gens de la sorte. — Ma chère belle enfant, votre vie est en danger, et celle de Djali. On veut vous reprendre. Nous sommes vos amis, et nous venons vous sauver. Suivez-nous.

— Est-il vrai ? s’écria-t-elle bouleversée.

— Oui, très vrai. Venez vite !

— Je le veux bien, balbutia-t-elle. Mais pourquoi votre ami ne parle-t-il pas ?