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Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Roman, tome IX.djvu/435

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boomarang des australiens (?)[1] qui va frapper le but et revient en sifflant se replacer dans la main qui l’a lancé. Il y a le dieu Atahocam qui a fait la terre et le dieu Messou qui la raccommode. Messou chasse avec des lynx en guise de chiens. Une fois ses lynx tombèrent dans un lac. Le dieu, fort en peine, ne savait où ils étaient. Un oiseau lui dit qu’ils étaient au milieu du lac.

Une autre fois que la terre fut noyée, Messou pria la corneille de chercher où elle était, la corneille n’y réussit pas. Le dieu pria la loutre. La loutre ne réussit pas. Le dieu pria le rat musqué ; le rat musqué plongea sous l’eau, et rapporta un peu de boue, avec quoi le dieu refit la terre.


Le dieu Messou avait mis l’immortalité dans une boîte de peau de buffle brodée. Une femme curieuse ayant ouvert la boîte, l’immortalité s’en alla, et c’est depuis ce temps-là que les hommes meurent[2].


Le duc s’écria :

À la grossièreté de son aboiement, on reconnaît un chien élevé par des personnes illettrées.


Il s’agit, interrompit le duc, de choisir entre la science et la foi. L’une affirme, mais l’autre prouve. Prenez-en votre parti, messieurs les juifs et messieurs les chrétiens. Pour que Moïse ait raison, il faut que Campanella ait tort, pour que Josué ait raison, il faut que Galilée ait tort, pour que Jérémie ait raison, il faut que Newton ait tort ; il faut que l’aurore radote et qu’en effet le soleil s’y lève, il faut que l’occident monte et qu’en effet le soleil s’y couche, il faut que le sud soit un simple vent, il faut que le septentrion soit un chariot au lieu d’être le prodigieux lampadaire sextuple de l’infini ; choisissez, vous dis-je, entre Saint-Mathieu, Saint-Luc, Saint-Marc et Saint-Jean, et l’immense ciel véridique ; pour que les quatre évangélistes aient raison, il faut que les quatre points cardinaux aient tort. Ah ! j’en conviens, c’est dur d’avouer qu’Adam est si peu de chose, de reconnaître que le monde n’est pas uniquement fabriqué pour nous, de confesser qu’un grain de poussière sur notre globe est un plus gros personnage que notre globe dans l’univers, et de renoncer à cette belle histoire des étoiles qui tomberont quand la terre finira. À entendre les gens de religions, notre sphère est l’objet du grand Tout, cet atome, la Terre, est la fin de l’infini, nous sommes le but, sans nous, le monde n’aurait pas de raison d’être ; et c’est pour le simple éclairage de l’homme, de ses batailles, de ses intrigues, de ses tricheries, de sa civilisation, de ses rois, de ses

  1. Le point d’interrogation est répété au-dessous du mot australiens. (Note de l’éditeur.)
  2. Au verso d’une lettre datée du 5 août 1867. (Note de l’éditeur.)