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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/115

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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

Regardez bien ce que vous voulez faire ; réfléchissez à l’œuvre que vous entreprenez, et, avant de la tenter, mesurez-la. Je suppose que vous réussissiez. Quand vous aurez détruit la presse, il vous restera quelque chose à détruire, Paris. Quand vous aurez détruit Paris, il vous restera quelque chose à détruire, la France. Quand vous aurez détruit la France, il vous restera quelque chose à tuer, l’esprit humain. (Mouvement prolongé.)

Oui, je le dis, que le grand parti européen de la peur mesure l’immensité de la tâche que, dans son héroïsme, il veut se donner. (Rires et bravos.) Il aurait anéanti la presse jusqu’au dernier journal, Paris jusqu’au dernier pavé, la France jusqu’au dernier hameau, il n’aurait rien fait. (Mouvement.) Il lui resterait encore à détruire quelque chose qui est toujours debout, au-dessus des générations et en quelque sorte entre l’homme et Dieu, quelque chose qui a écrit tous les livres, inventé tous les arts, découvert tous les mondes, fondé toutes les civilisations ; quelque chose qui reprend toujours, sous la forme révolution, ce qu’on lui refuse sous la forme progrès ; quelque chose qui est insaisissable comme la lumière et inaccessible comme le soleil, et qui s’appelle l’esprit humain ! (Acclamations prolongées.)

(Un grand nombre de membres de la gauche quittent leurs places et viennent féliciter l’orateur. La séance est suspendue.)