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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/199

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III

FUNÉRAILLES DE BALZAC

20 août 1850.
Messieurs,

L’homme qui vient de descendre dans cette tombe était de ceux auxquels la douleur publique fait cortège. Dans les temps où nous sommes, toutes les fictions sont évanouies. Les regards se fixent désormais non sur les têtes qui règnent, mais sur les têtes qui pensent, et le pays tout entier tressaille lorsqu’une de ces têtes disparaît. Aujourd’hui, le deuil populaire, c’est la mort de l’homme de talent ; le deuil national, c’est la mort de l’homme de génie.

Messieurs, le nom de Balzac se mêlera à la trace lumineuse que notre époque laissera dans l’avenir.

M. de Balzac faisait partie de cette puissante génération des écrivains du dix-neuvième siècle qui est venue après Napoléon, de même que l’illustre pléiade du dix-septième est venue après Richelieu, — comme si, dans le développement de la civilisation, il y avait une loi qui fit succéder aux dominateurs par le glaive les dominateurs par l’esprit.

M. de Balzac était un des premiers parmi les plus grands, un des plus hauts parmi les meilleurs. Ce n’est pas le lieu de dire ici tout ce qu’était cette splendide et souveraine intelligence. Tous ses livres ne forment qu’un livre, livre vivant, lumineux, profond, où l’on voit aller et venir et marcher et se mouvoir, avec je ne sais quoi d’effaré et de