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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 2.djvu/95

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LA LIBERTÉ DE LA PRESSE.

de la presse est-elle en péril, le suffrage universel se lève et la protége. Le suffrage universel est-il menacé, la presse accourt et le défend. Messieurs, toute atteinte à la liberté de la presse, toute atteinte au suffrage universel est un attentat contre la souveraineté nationale. La liberté mutilée, c’est la souveraineté paralysée. La souveraineté du peuple n’est pas, si elle ne peut agir et si elle ne peut parler. Or, entraver le suffrage universel, c’est lui ôter l’action ; entraver la liberté de la presse, c’est lui ôter la parole.

Eh bien, messieurs, la première moitié de cette entreprise redoutable (mouvement) a été faite le 31 mai dernier. On veut aujourd’hui faire la seconde. Tel est le but de la loi proposée. C’est le procès de la souveraineté du peuple qui s’instruit, qui se poursuit et qu’on veut mener à fin. (Oui ! oui ! c’est cela !) Il m’est impossible, pour ma part, de ne pas avertir l’assemblée.

Messieurs, je l’avouerai, j’ai cru un moment que le cabinet renoncerait à cette loi.

Il me semblait, en effet, que la liberté de la presse était déjà toute livrée au gouvernement. La jurisprudence aidant, on avait contre la pensée tout un arsenal d’armes parfaitement inconstitutionnelles, c’est vrai, mais parfaitement légales. Que pouvait-on désirer de plus et de mieux ? La liberté de la presse n’était-elle pas saisie au collet par des sergents de ville dans la personne du colporteur ? traquée dans la personne du crieur et de l’afficheur ? mise à l’amende dans la personne du vendeur ? persécutée dans la personne du libraire ? destituée dans la personne de l’imprimeur ? emprisonnée dans la personne du gérant ? Il ne lui manquait qu’une chose, malheureusement notre siècle incroyant se refuse à ce genre de spectacles utiles, c’était d’être brûlée vive en place publique, sur un bon bûcher orthodoxe, dans la personne de l’écrivain. (Mouvement.)

Mais cela pouvait venir. (Rire approbatif à gauche.)

Voyez, messieurs, où nous en étions, et comme c’était bien arrangé ! De la loi des brevets d’imprimerie, sainement comprise, on faisait une muraille entre le journaliste et l’imprimeur. Écrivez votre journal, soit ; on ne l’imprimera