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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/163

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principe, que vos amis de ce pays traitent les questions qui vous touchent. Ils trouvent plus court de dire qu’il n’y a jamais eu de coup d’état, que ce n’est pas vrai, que vous n’avez jamais prêté le moindre serment, que le deux-décembre n’a jamais existé, qu’il n’a pas été versé une goutte de sang, que Saint-Arnaud, Espinasse et Maupas sont des personnages mythologiques, qu’il n’y a pas de proscrits, que Lambessa est dans la lune, et que nous faisons semblant.

Les habiles disent qu’il y a bien eu quelque chose en effet, mais que nous exagérons, que les hommes tués n’avaient pas tous des cheveux blancs, que les femmes tuées n’étaient pas toutes grosses, et que l’enfant de sept ans de la rue Tiquetonne avait huit ans.

Je reprends.

Ne venez pas dans ce pays.

Songez d’ailleurs à l’imprudence ; et à quoi exposeriez-vous le gouvernement qui vous recevrait chez lui ? Paris a des éruptions inattendues ; il l’a prouvé en 1789, en 1830 et en 1848. Qu’est-ce qui garantit au peuple anglais, qui prise haut, et avec raison, l’amitié de la France, qu’est-ce qui garantit au gouvernement britannique qu’une révolution ne va pas éclater derrière vos talons, que le décor ne va pas changer subitement, que ce vieux trouble-fête de faubourg Saint-Antoine ne va pas se réveiller en sursaut et donner un coup de pied dans l’empire, et que, tout à coup, en une secousse de télégraphe électrique, lui, gouvernement d’Angleterre, il ne va pas se trouver brusquement ayant pour hôte à Saint-James et pour convive au banquet royal, non sa majesté l’empereur des français, mais l’accusé pâle et frissonnant de la France et de la république ? non le Napoléon de la colonne, mais le Napoléon du poteau ?

Mais vos polices vous rassurent. Le coup d’état a dans sa poche le vieil œil de Vidocq et voit le fond des choses avec ça. C’est ce qui lui tient lieu de conscience. La police vous répond du peuple de même que le prêtre vous répond de Dieu. M. Piétri et M. Sibour vous parlent chacun d’un côté. ― Cette canaille de peuple n’existe plus, affirme M. Piétri. ― Je voudrais bien voir que Dieu bougeât, mur-