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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/49

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EN QUITTANT LA BELGIQUE

pierres, aux faulx, aux socs de vos charrues ; prenez vos couteaux, prenez vos fusils, prenez vos carabines ; sautez sur la vieille épée d’Arteveld, sautez sur le vieux bâton ferré de Coppenole, remettez, s’il le faut, des boulets de marbre dans la grosse couleuvrine de Gand ; vous en trouverez à Notre-Dame de Hal ! criez aux armes ! ce n’est pas Annibal qui est aux portes, c’est Schinderhannes ! Sonnez le tocsin, battez le rappel ; faites la guerre des plaines, faites la guerre des murailles, faites la guerre des buissons ; luttez pied à pied, défendez-vous, frappez, mourez ; souvenez-vous de vos pères qui ont voulu vous léguer la gloire, souvenez-vous de vos enfants auxquels vous devez léguer la liberté ! Empruntez à Waterloo son cri funèbre : la Belgique meurt et ne se rend pas !

Si le Bonaparte vient, faites cela !

Mais, belges, si, un jour, le front dans la lumière, agitant au vent joyeux des révolutions un drapeau d’une seule couleur sur lequel, vous lirez : Fraternité des Peuples, États-Unis d’Europe, ― grande, libre, fière, tendre, sereine, des épis et des lauriers dans les mains, la France, la vraie France vient à vous, oh ! levez-vous encore cette fois, belges, mais pour remplacer le bâton ferré par le rameau fleuri ! levez-vous, mais pour aller au-devant de la France, et pour lui dire : Salut !

Levez-vous pour lui tendre la main, à notre mère, comme nous, ses fils, nous vous la tendons, et pour lui ouvrir les bras comme nous vous les ouvrons. Car cette France-là, ce ne sera pas la conquérante, ce sera l’initiatrice ; ce ne sera pas la France qui subjugue, ce sera la France qui délivre ; ce ne sera pas la France des Bonapartes, ce sera la France des nations !

Recevez-la comme une grande amie. Accueillez-la, cette victorieuse, comme, proscrite, vous l’avez accueillie. Car c’est elle que vous acclamez en ce moment ; car c’est la France qui est ici. C’est elle qui, à cette heure, quelquefois meurtrie par vos gouvernants, toujours relevée et consolée par vous, pleure à la porte de vos villes sous la blouse de l’ouvrier ou sous le sarrau de toile du laboureur exilé.

Amis, la persécution et la douleur, c’est aujourd’hui ; les États-Unis d’Europe, les Peuples-Frères, c’est demain.