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Page:Hugo - Actes et paroles - volume 3.djvu/72

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conflits d’homme à homme et de nation à nation, la fin des exploitations inhumaines, l’abolition de la loi de mort, et l’établissement de la loi de vie.

Citoyens, cette pensée est dans vos esprits, et je n’en suis que l’interprète ; le temps des sanglantes et terribles nécessités révolutionnaires est passé ; pour ce qui reste à faire, l’indomptable loi du progrès suffit. D’ailleurs, soyons tranquilles, tout combat avec nous dans les grandes batailles qui nous restent à livrer ; batailles dont l’évidente nécessité n’altère pas la sérénité des penseurs ; batailles dans lesquelles l’énergie révolutionnaire égalera l’acharnement monarchique ; batailles dans lesquelles la force unie au droit terrassera la violence alliée à l’usurpation ; batailles superbes, glorieuses, enthousiastes, décisives, dont l’issue n’est pas douteuse, et qui seront les Tolbiac, les Hastings et les Austerlitz de la démocratie. Citoyens, l’époque de la dissolution du vieux monde est arrivée. Les antiques despotismes sont condamnés par la loi providentielle ; le temps, ce fossoyeur courbé dans l’ombre, les ensevelit ; chaque jour qui tombe les enfouit plus avant dans le néant. Dieu jette les années sur les trônes comme nous jetons les pelletées de terre sur les cercueils.

Et maintenant, frères, au moment de nous séparer, poussons le cri de triomphe, poussons le cri du réveil ; comme je vous le disais il y a quelques mois à propos de la Pologne, c’est sur les tombes qu’il faut parler de résurrection. Certes, l’avenir, un avenir prochain, je le répète, nous promet en France la victoire de l’idée démocratique, l’avenir nous promet la victoire de l’idée sociale ; mais il nous promet plus encore, il nous promet sous tous les climats, sous tous les soleils, dans tous les continents, en Amérique aussi bien qu’en Europe, la fin de toutes les oppressions et de tous les esclavages. Après les rudes épreuves que nous subissons, ce qu’il nous faut, ce n’est pas seulement l’émancipation de telle ou telle classe qui a souffert trop longtemps, l’abolition de tel ou tel privilège, la consécration de tel ou tel droit ; cela, nous l’aurons ; mais cela ne nous suffit pas ; ce qu’il nous faut, ce que nous obtiendrons, n’en doutez pas, ce que pour ma part, du fond de cette nuit sombre de l’exil, je contemple d’avance