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Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/262

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plus de tangage, signe redoutable de l’agonie d’un navire. Les épaves n’ont que du roulis. Le tangage est la convulsion de la lutte. Le gouvernail seul peut prendre le vent debout.

Dans la tempête, et surtout dans le météore de neige, la mer et la nuit finissent par se fondre et s’amalgamer, et par ne plus faire qu’une fumée. Brume, tourbillon, souffle, glissement dans tous les sens, aucun point d’appui, aucun lieu de repère, aucun temps d’arrêt, un perpétuel recommencement, une trouée après l’autre, nul horizon visible, profond recul noir, l’ourque voguait là-dedans.

Se dégager des Casquets, éluder l’écueil, cela avait été pour les naufragés une victoire. Mais surtout une stupeur. Ils n’avaient point poussé de hurrahs ; en mer, on ne fait pas deux fois de ces imprudences-là. Jeter la provocation là où on ne jetterait pas la sonde, c’est grave.

L’écueil repoussé, c’était de l’impossible accompli. Ils en étaient pétrifiés. Peu à peu pourtant, ils se remettaient à espérer. Telles sont les insubmersibles mirages de l’âme. Pas de détresse qui, même à l’instant le plus critique, ne voie blan-