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Page:Hugo - L'Homme qui rit, 1869, tome 1.djvu/96

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permettait de naviguer petitement dans les baies closes des Asturies, qui sont presque des bassins, comme Pasages par exemple, et largement en pleine mer ; elle pouvait faire le tour d’un lac et le tour du monde ; singulières nefs à deux fins, bonnes pour l’étang, et bonnes pour la tempête. L’ourque était parmi les navires ce qu’est le hochequeue parmi les oiseaux, un des plus petits et un des plus hardis ; le hochequeue, perché, fait à peine plier un roseau, et, envolé, traverse l’océan.

Les ourques de Biscaye, même les plus pauvres, étaient dorées et peintes. Ce tatouage est dans le génie de ces peuples charmants, un peu sauvages. Le sublime bariolage de leurs montagnes, quadrillées de neiges et de prairies, leur révèle le prestige âpre de l’ornement quand même. Ils sont indigents et magnifiques ; ils mettent des armoiries à leurs chaumières ; ils ont de grands ânes qu’ils chamarrent de grelots, et de grands bœufs qu’ils coiffent de plumes ; leurs chariots, dont on entend à deux lieues grincer les roues, sont enluminés, ciselés, et enrubannés. Un savetier a un bas-relief sur sa porte ; c’est saint Crépin