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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/117

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Puis Cydre où fut Crésus, le maître universel,
Puis Anane, et l’étang d’où l’on tire le sel ;
Puis on vit Canos, mont plus affreux que l’Érèbe,
Mais sans en approcher ; et l’on prit Callathèbe
Où des chiens de Diane on entend les abois,
Ville où l’homme est pareil à l’abeille des bois
Et fait du miel avec de la fleur de bruyère.
Le jour d’après on vint à Sardes, ville altière
D’où l’on fit dire aux Grecs d’attendre avec effroi,
Et de tout tenir prêt pour le souper du roi.
Puis on coupa l’Athos que la foudre fréquente ;
Et, des eaux de Sanos jusqu’à la mer d’Acanthe,
On fit un long canal évasé par le haut ;
Enfin, sur une plage où souffle ce vent chaud
Qui vient d’Afrique, terre ignorée et maudite,
On fit près d’Abydos, entre Seste et Médyte,
Un vaste pont porté par de puissants donjons,
Et Tyr fournit la corde et l’Égypte les joncs.
Ce pont pouvait donner passage à des armées.
Mais une nuit, ainsi que montent des fumées,
Un nuage farouche arriva, d’où sortit
Le semoun, près duquel l’ouragan est petit ;
Ce vent sur ces travaux poussa les flots humides,
Rompit arches, piliers, tabliers, pyramides,
Et heurtant l’Hellespont contre le Pont-Euxin,
Fauve, il détruisit tout, comme on chasse un essaim ;
Et la mer fut fatale. Alors le roi sublime
Cria : — Tu n’es qu’un gouffre, et je t’insulte, abîme !