Aller au contenu

Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/258

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Que Rome est le cachot du Christ, je te le dis.
Et pour voir en toi l’homme ouvrant le paradis,
Le Père, j’attendrai, pape, que tu détèles
Tous ces hideux chevaux, Guerre aux rages mortelles,
Haine, Anathème, Orgueil, Vengeance à l’œil de feu.
Monstres par qui tu fais traîner le char de Dieu !
Les chevriers, qu’on voit rôdant de cime en cime,
Sont de meilleurs pasteurs que vous, prêtres ; j’estime
Plus que vos crosses d’or d’archevêque ou d’abbé,
Leur bâton d’olivier sauvage au bout courbé.
Bénis soient leurs troupeaux paissant dans les cytises !
Oui, les femmes font faire aux hommes des sottises,
Roi d’Arles ; mais j’ai, moi, c’est pourquoi je suis fort,
Pour épouse ma tour, pour amante la mort.
En guise de clairon l’ouragan m’accompagne.
Que peux-tu donc m’offrir qui vaille ma montagne,
César, roi des Romains et des Bohémiens ?
Quand tu me donnerais ton aigle ! J’ai les miens.
Que venez-vous chercher ? Qu’est-ce qui vous amène ?
Rois, je suis dans ces bois la seule face humaine.
La terre sait vos noms et les mêle à ses pleurs.
Vous êtes des preneurs de villes, des voleurs
De nations, les chefs de l’éternel pillage.
Que voulez-vous de moi ? Je n’ai pas un village.
Vous êtes ici-bas les semeurs de l’effroi.
Le genre humain subit le duc, souffre le roi ;
Tu l’opprimes, César ; Saint-Père, tu le pilles.
Vos lansquenets font rage, et violent les filles