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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/70

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Avoir le sable et l’onde, et l’herbe et le granit,
Et la brume ignorée où le monde finit !
En bas, le tremblement des flèches dans les cibles,
Le passage orageux des meutes invisibles,
Le roulement des chars, le pas des légions,
Le bruit lugubre fait par les religions,
D’étranges voix sortant d’une sombre ouverture,
L’obscur rugissement de l’immense nature,
Réalisent, au pied de l’Olympe inclément,
On ne sait quel sinistre anéantissement ;
Et la terre, où la vie indistincte végète,
Sous ce groupe idéal et monstrueux qui jette
Les fléaux, à la fois moissonneur et semeur,
N’est rien qu’une nuée où flotte une rumeur.
Par moments le nuage autour du mont s’entr’ouvre ;
Alors on aperçoit sur ces êtres, que couvre
Un divin flamboiement brusquement éclairci,
Des rejaillissements de rayons, comme si
L’on avait écrasé sur eux de la lumière ;
Puis le hautain sommet rentre en son ombre altière
Et l’on ne voit plus rien que les sanglants autels ;
Seulement on entend rire les immortels.

Et les hommes ? Que font les hommes ? Ils frissonnent.
Les clairons dans les camps et dans les temples sonnent,
L’encens et les bûchers fument, et le destin
Du fond de l’ombre immense écrase tout, lointain ;