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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 1.djvu/85

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C’est le point fait soleil, c’est l’astre fait atôme ;
Tant de réalité que tout devient fantôme ;
Tout un univers spectre apparu brusquement.
Un globe est une bulle ; un siècle est un moment ;
Mondes sur mondes ; l’un par l’autre ils se limitent.
Des sphères restent là, fixes ; d’autres imitent
L’évanouissement des passants inconnus,
Et s’en vont. Portant tout et par rien soutenus,
Des foules d’univers s’entrecroisent sans nombre ;
Point de Calpé pour l’aube et d’Abyla pour l’ombre ;
Des astres errants vont, viennent, portent secours ;
Ténèbres, clartés, gouffre. Et puis après ? Toujours.
Phtos voit l’énigme ; il voit le fond, il voit la cime.

Il sent en lui la joie obscure de l’abîme ;
Il subit, accablé de soleils et de cieux,
L’inexprimable horreur des lieux prodigieux.
Il regarde, éperdu, le vrai, ce précipice.
Évidence sans borne, ou fatale, ou propice !
Ô stupeur ! Il finit par distinguer, au fond
De ce gouffre où le jour avec la nuit se fond,
À travers l’épaisseur d’une brume éternelle,
Dans on ne sait quelle ombre énorme, une prunelle !