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Page:Hugo - Les Contemplations, Nelson, 1856.djvu/223

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Seul, toujours seul, l’été, l’automne ;
Front sans remords et sans effroi
À qui le nuage qui tonne
Dit tout bas : Ce n’est pas pour toi !

Oubliant dans ces grandes choses
Les trous de ses pauvres habits,
Comparant la douceur des roses
À la douceur de la brebis,

Sondant l’être, la loi fatale,
L’amour, la mort, la fleur, le fruit ;
Voyant l’auréole idéale
Sortir de toute cette nuit,

Il sent, faisant passer le monde
Par sa pensée à chaque instant,
Dans cette obscurité profonde
Son œil devenir éclatant ;

Et, dépassant la créature,
Montant toujours, toujours accru,
Il regarde tant la nature,
Que la nature a disparu !

Car, des effets allant aux causes,
L’œil perce et franchit le miroir,
Enfant ; et contempler les choses,
C’est finir par ne plus les voir.

La matière tombe détruite
Devant l’esprit aux yeux de lynx ;
Voir, c’est rejeter ; la poursuite
De l’énigme est l’oubli du sphinx.