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Page:Hugo - Les Contemplations, Nelson, 1856.djvu/359

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VI


Le corbillard franchit le seuil du cimetière.
Le gai matin, qui rit à la nature entière,
Resplendit sur ce deuil ;
Tout être a son mystère où l’on sent l’âme éclore,
Et l’offre à l’infini ; l’astre apporte l’aurore,
Et l’homme le cercueil.

Le dedans de la fosse apparaît, triste crèche.
Des pierres par endroits percent la terre fraîche,
Et l’on entend le glas ;
Elles semblent s’ouvrir ainsi que des paupières ;
Et le papillon blanc dit : Qu’ont donc fait ces pierres ?
Et la fleur dit : Hélas !


VII


Est-ce que par hasard ces pierres sont punies,
Dieu vivant, pour subir de telles agonies ?
Ah ! ce que nous souffrons
N’est rien… — Plus bas que l’arbre en proie aux froides bises,
Sous cette forme horrible, est-ce que les Cambyses,
Est-ce que les Nérons,

Après avoir tenu les peuples dans leur serre,
Et crucifié l’homme au noir gibet misère,
Mis le monde en lambeaux,
Souillé l’âme, et changé, sous le vent des désastres,
L’univers en charnier, et fait monter aux astres
La vapeur des tombeaux,

Après avoir passé joyeux dans la victoire,
Dans l’orgueil, et partout imprimé sur l’histoire
Leurs ongles furieux,