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Page:Hugo Rhin Hetzel tome 1.djvu/169

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pour les fruits verts et d’autres hommes pour les fruits mûrs.

Cependant le seizième siècle approchait. Le Rhin avait vu naître au quatorzième siècle, non loin de lui, à Nuremberg, l’artillerie ; et au quinzième, sur sa rive même, à Strasbourg, l’imprimerie. En 1400, Cologne avait fondu la fameuse coulevrine de quatorze pieds de long. En 1672, Vindelin de Spire avait imprimé sa bible. Un nouveau monde allait surgir, et, chose remarquable et digne qu’on y insiste, c’est sur les bords du Rhin que venaient de trouver et de prendre une nouvelle forme ces deux mystérieux outils avec lesquels Dieu travaille sans cesse à la civilisation de l’homme, la catapulte et le livre, la guerre et la pensée.

Le Rhin, dans les destinées de l’Europe, a une sorte de signification providentielle. C’est le grand fossé transversal qui sépare le sud du nord. La providence en a fait le fleuve-frontière ; les forteresses en font le fleuve-muraille. Le Rhin a vu la figure et a reflété l’ombre de presque tous les grands hommes de guerre qui, depuis trente siècles, ont labouré le vieux continent avec ce soc qu’on appelle l’épée. César a traversé le Rhin en montant du midi ; Attila a traversé le Rhin en descendant du septentrion. Clovis y a gagné la bataille de Tolbiac. Charlemagne et Bonaparte y ont régné. L’empereur Frédéric Barberousse, l’empereur Rodolphe de Hapsbourg et le palatin Frédéric Ier y ont été grands, victorieux et formidables. Gustave-Adolphe y a commandé ses armées du haut de la guérite de Caub. Louis XIV a vu le Rhin. Enghien et Condé l’ont passé ! Hélas ! Turenne aussi. Drusus y a sa pierre à Mayence comme Marceau à Coblentz et Hoche à Andernach. Pour l’œil du penseur qui voit vivre l’histoire, deux grands aigles planent perpétuellement sur le Rhin, l’aigle des légions romaines et l’aigle des régiments français.

Ce noble Rhin, que les romains nommaient Rhenus superbus, tantôt porte les ponts de bateaux hérissés de lances, de pertuisanes ou de bayonnettes, qui versent sur l’Allemagne les armées d’Italie, d’Espagne et de France, ou reversent sur l’ancien monde romain, toujours géographi-