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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/340

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Essais.

persécutrice la plus acharnée. Il n’étoit pas possible que ces dogmes & ces principes spéculatifs de religion, qui sont aujourd’hui le sujet des disputes les plus furieuses, fussent admis, ou qu’on en eût même l’idée dans l’enfance de monde. Le genre humain, plongé alors dans une crasse ignorance, se forgea une idée de religion mieux assortie à sa foiblesse & à sa timidité : les contes & les histoires qui composerent ces opinions sacrées, étoient plutôt les objets d’une foi traditionelle que des matieres d’argumentation & de dispute. Les philosophes produisent des principes & des paradoxes nouveaux ; mais l’allarme qu’on en conçut d’abord s’étant dissipée, ils paroissent avoir vécu depuis, pendant tous les tems de l’antiquité, dans la plus grande harmonie avec la superstition régnante. Ils avoient, en quelque sorte, fait avec elle, à l’amiable, un partage honnête du genre humain, se réservant les sages & les lettrés, & lui cédant la foule & les ignorans[1].

  1. Il est aisé de sentir que la fausse philosophie & toute fausse religion peuvent s’accommoder sans peine, & transiger