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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/489

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Philosophes.

C’est encore un grand defaut de ces maximes rafinées des philosophes, qu’elles ne sauroient jamais affoiblir, ni extirper nos passions vicieuses, sans produire, en même-tems, les mêmes effets sur nos dispositions à la vertu, & sans plonger nos ames dans une léthargique indifférence. Cela vient de la trop grande généralité de ces maximes : elles s’étendent à tout : elles embrassent toutes nos affections : en vain voudroit-on les diriger d’un seul côté ; lorsqu’à force d’étude & de contention d’esprit on croit les tenir, & les avoir fixées à un sujet unique, les voilà qui, pour ainsi dire, s’éparpillent de toutes parts, & nous laissent dans une insensibilité universelle. Détruisez vos nerfs ; vous cesserez d’être sensible à la douleur : mais serez-vous sensible au plaisir ?

Pour nous convaincre de cette vérité ; nous n’avons qu’à jeter un coup-d’œil sur les Apophtegmes les plus célebres de la philosophie ancienne & moderne. Que jamais, me dit un sage,[1] les injustices, & les

  1. Plut. de irâ cohibendâ.