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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/501

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Philosophes.

cependant la confusion qui regne dans les choses humaines qu’on ne doit jamais attendre ici bas une exacte distribution de biens

    Ces réflexions sont si naturelles qu’il est étonnant qu’elles ne se présentent pas à tout le monde, si solides qu’elles sembleroient devoir produire une persuasion générale. Mais, peut-être qu’en effet les hommes en sont touchés & persuadés, lorsqu’il ne considerent la vie humaine qu’en gros, & d’un coup d’œil tranquille. C’est tout autre chose, lorsque quelque accident vient interrompre ce calme. Les passions s’enflamment, l’imagination travaille : nous sommes attirés par des exemples, ou animés par des conseils : dans ce cas-là, le philosophe s’évanouit ; l’homme reste : alors nous cherchons en vain cette persuasion qui nous paroissoit si ferme & si inébranlable. Quelle ressource y a-t-il contre cet inconvénient ? Munissez-vous de la lecture des plus excellens livres de morale : recourez à l’érudition de Plutarque, à l’esprit de Lucien, à l’éloquence de Cicéron, à la bonne humeur de Montagne, à l’enthousiasme de Shaftsbury. La morale de leurs écrits pénetre au fond des coeurs, & dissipe l’enchantement des passions. Cependant ne vous fiez pas uniquement à ces secours. Faites-vous, par habitude & par réflexion, ce tempérament philosophique qui fortifie nos pensées, & qui, rendant une grande partie de notre bonheur indépendante des choses du dehors, émousse la pointe des penchans déréglés, & répand la tranquillité dans nos ames. Je dis que vous ne devez mépriser aucun secours ; mais je dis aussi que vous n’en devez embrasser aucun avec trop de confiance ; à moins que la nature propice ne vous ait doué d’un heureux tempérament. Note de l’Aut.