Aller au contenu

Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 1, 1788.djvu/504

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
228
Les quatre.

moindre affliction : avec cela vous avez une ame généreuse, qui entre vivement dans les intérêts de vos amis : votre malheur en est d’autant plus grand ; vous êtes d’autant plus exposé aux jeux cruels de la fortune. La pudeur est certainement une vertu ; mais ne vous expose-t-elle pas à mille chagrins, à mille regrets, dont l’effronterie vous auroit préservé ? Une complexion excessivement portée à l’amour, dans un cœur incapable d’amitié, est un plus grand bien que cette même complexion dans une belle ame. Ces beaux & nobles sentimens, ces transports de générosité, dans un homme qui aime, ne servent qu’à en faire un esclave rampant sous les ordres de sa maîtresse.

En un mot, la vie humaine est bien plus soumise aux caprices de la fortune qu’aux regles du raisonnement : notre humeur y décide de tout ; les principes généraux n’y sont rien, ou peu de chose ; & l’on doit la regarder plutôt comme une folie, ou comme un passe-tems, que comme une affaire sérieuse. La remplirons-nous de soucis & d’inquiétudes ? Elle n’en vaut pas la peine. La traiterons-