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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/127

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de Morale.

Lorsqu’un homme par insensibilité ou par amour pour lui-même n’est point touché par le spectacle du malheur & du bien-être de l’humanité, il faut qu’il soit également indifférent à l’égard des peintures qu’on peut lui faire du vice & de la vertu ; d’un autre côté il se trouve toujours que l’intérêt vif que l’on prend au bonheur des hommes est accompagné d’un sentiment délicat des distinctions morales, d’une aversion forte pour

    nos espérances, nous le blâmons de son inutilité, & nous le censurons encore plus quand sa conduite est mauvaise ou nuisible. Lorsque les intérêts d’un pays sont compromis avec ceux d’un autre, nous jugeons du mérite d’un homme d’état par le bien ou le mal qui revient à sa patrie de sa conduite & de ses conseils, sans avoir égard au mal qu’il fait à nos ennemis ; ses concitoyens sont l’objet dont on s’occupe, qui fait décider de son mérite, & comme la nature a gravé dans le cœur de tout homme un attachement très-fort pour sa patrie, nous ne songeons gueres aux autres nations, lorsque leurs intérêts sont en concurrence avec les nôtres : ajoutez à cela que nous trouvons qu’un homme travaille plus efficacement au bonheur de l’humanité en s’occupant du bien de la société dont il est membre, que lorsqu’il se livre à des vues vagues & indéterminées dont il ne peut résulter aucun bien, faute d’un objet précis à qui elles puissent convenir.