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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/13

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de Morale.

question sont susceptibles de raisonnemens très-spécieux. On peut soutenir que la raison suffit seule pour discerner les distinctionts morales ; en effet, sans cela, d’où naîtroient les disputes qui s’élèvent sur cette matiere, tant parmi le vulgaire, que parmi les philosophes ? d’où viendroient cette longue suite de preuves que chacun allégue en faveur de ses opinions, les exemples, qu’on apporte, les autorités dont on s’appuie, les analogies auxquelles on a recours, les faussetés qu’on prétend découvrir, les inductions qu’on emploie, & les différentes conséquences que l’on tire des mêmes principes ? on peut disputer sur la vérité, mais jamais sur le goût : ce qui existe dans la nature est la regle ou le modele de nos jugemens ; ce que chaque homme sent au-dedans de lui-même est sa regle du sentiment. On peut démontrer des proportions de géométrie, & disputer sur des systêmes de physique ; mais l’harmonie des vers, la tendresse de la passion, le brillant du génie, sont de nature à exciter un plaisir immédiat. Les hommes ne disputent gueres sur la beauté ou sur la laideur des autres,