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Page:Hume - Œuvres philosophiques, tome 5, 1788.djvu/56

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Essais

gouvernement même, dans des nécessités moins urgentes, ouvre les greniers des particuliers sans le consentement des propriétaires, & suppose avec raison que l’autorité des magistrats peut aller jusques-là sans violer la justice : mais si un certain nombre d’hommes se rassembloient dans ce dessein, sans être autorisés par la police & sans avoir de jurisdiction civile, pourroit-on regarder comme injuste ou criminelle une distribution égale de pain, qui se feroit pendant la famine, sans le consentement du propriétaire ?

Supposons encore qu’un homme vertueux ait le malheur de tomber parmi une troupe de brigands, &, qu’il s’y trouvât privé de la protection du gouvernement & des loix ; quelle conduite suivra-t-il dans cette triste situation ? Il voit régner parmi ses compagnons une avidité si furieuse, un oubli si total de l’équité, un tel mépris pour l’ordre, un aveuglement si stupide sur les suites qui sont prêtes à leur devenir funestes, & qui finiront par la destruction de la plus grande partie & par la dissolution du reste de la société : en attendant, notre honnête homme