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Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/151

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SUR L’ÉVOLUTION LITTÉRAIRE

malgré lui, et irait, presque toujours, bien au-delà de sa pensée : c’est le symbole qui naît de toute création géniale d’humanité ; le prototype de cette symbolique se trouverait dans Eschyle, Shakespeare, etc.

Je ne crois pas que l’œuvre puisse naître viablement du symbole ; mais le symbole naît toujours de l’œuvre si celle-ci est viable. L’œuvre née du symbole ne peut être qu’une allégorie, et c’est pourquoi l’esprit latin, ami de l’ordre et de la certitude, me semble plus enclin à l’allégorie qu’au symbole. Le symbole est une force de la nature, et l’esprit de l’homme ne peut résister à ses lois. Tout ce que peut faire le poète, c’est se mettre, par rapport au symbole, dans la position du charpentier d’Emerson. Le charpentier, n’est-ce pas ? s’il doit dégrossir une poutre, ne la place pas au-dessus de sa tête, mais sous ses pieds, et ainsi, à chaque coup de hache qu’il donne, ce n’est plus lui seul qui travaille, ses forces musculaires sont insignifiantes, mais c’est la terre entière qui travaille avec lui ; en se mettant dans la position qu’il a prise, il appelle à son secours toute la force de gravitation de notre planète, et l’univers approuve et multiplie le moindre mouvement de ses muscles.

Il en est de même du poète, voyez-vous ; il est plus ou moins puissant, non pas en raison de ce qu’il fait lui-même, mais en raison de ce qu’il parvient à faire exécuter par les autres, et par l’ordre mystérieux et