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Page:Huret - Enquête sur l’évolution littéraire, 1891.djvu/96

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ENQUÊTE

— Les jeunes, pourtant, ne se réclament-ils pas de vous ? dis-je.

— Qu’on prouve que je suis pour quelque chose dans cette paternité-là ! Qu’on lise mes vers !

Sur un ton comique, il ajouta :

— 19, quai saint Michel, 3 francs !

Puis :

— J’ai eu des élèves, oui ; mais je les considère comme des élèves révoltés : Moréas, au fond, en est un.

— Ah ! fis-je.

— Mais oui ! Je suis un oiseau, moi (comme Zola est un bœuf, d’ailleurs), et il y a des mauvaises langues qui prétendent que j’ai fait école de serins. C’est faux. Les symbolistes aussi sont des oiseaux, sauf restrictions. Moréas aussi en est un, mais non… lui, ce serait plutôt un paon… Et puis il est resté enfant, un enfant de dix-huit ans. Moi aussi je suis gosse… (Ici, Verlaine prend sa posture coutumière : il redresse la tête, avance les lèvres, fixe son regard droit devant lui, étend le bras)… mais un gosse français, cré nom de Dieu ! en outre !

Et aussitôt il se mit à rire d’un rire bonhomme, vraiment gai, contagieux, qui me prit à mon tour.

— Comment se fait-il que vous ayez accepté l’épithète de décadent, et que signifiait-elle pour vous ?

— C’est bien simple. On nous l’avait jetée comme une insulte, cette épithète ; je l’ai ramassée comme