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Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/127

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ridicules épaves, des épisodes sans intérêt de son existence, des riens absurdes.

Le livre qu’il tenait à la main tombait sur ses genoux ; il s’abandonnait, regardant, plein de dégoûts et d’alarmes, défiler les années de sa vie défunte ; elles pivotaient, ruisselaient maintenant autour du rappel de madame Laure et d’Auguste, enfoncé, dans ces fluctuations, comme un pieu ferme, comme un fait net. Quelle époque que celle-là ! c’était le temps des soirées dans le monde, des courses, des parties de cartes, des amours commandées à l’avance, servies, à l’heure, sur le coup de minuit, dans son boudoir rose ! Il se remémorait des figures, des mines, des mots nuls qui l’obsédaient avec cette ténacité des airs vulgaires qu’on ne peut se défendre de fredonner, mais qui finissent par s’épuiser, tout à coup, sans qu’on y pense.

Cette période fut de courte durée ; il eut une sieste de mémoire, se replongea dans ses études latines afin d’effacer jusqu’à l’empreinte même de ces retours.

Le branle était donné ; une seconde phase succéda presque immédiatement à la première, celle des souvenirs de son enfance, celle surtout des ans écoulés chez les Pères.

Ceux-là étaient plus éloignés et plus certains, gravés d’une façon plus accusée et plus sûre ; le parc touffu, les longues allées, les plates-bandes, les bancs, tous les détails matériels se levèrent dans sa chambre.

Puis les jardins s’emplirent, il entendit résonner les