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Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/151

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d’une humanité sans cesse travaillée par le virus des anciens âges. Depuis le commencement du monde, de pères en fils, toutes les créatures se transmettaient l’inusable héritage, l’éternelle maladie qui a ravagé les ancêtres de l’homme, qui a creusé jusqu’aux os maintenant exhumés des vieux fossiles !

Elle avait couru, sans jamais s’épuiser à travers les siècles ; aujourd’hui encore, elle sévissait, se dérobant en de sournoises souffrances, se dissimulant sous les symptômes des migraines et des bronchites, des vapeurs et des gouttes ; de temps à autre, elle grimpait à la surface, s’attaquant de préférence aux gens mal soignés, mal nourris, éclatant en pièces d’or, mettant, par ironie, une parure de sequins d’almée sur le front des pauvres diables, leur gravant, pour comble de misère, sur l’épiderme, l’image de l’argent et du bien-être !

Et la voilà qui reparaissait, en sa splendeur première, sur les feuillages colorés des plantes !

— Il est vrai, poursuivit des Esseintes, revenant au point de départ de son raisonnement, il est vrai que la plupart du temps la nature est, à elle seule, incapable de procréer des espèces aussi malsaines et aussi perverses ; elle fournit la matière première, le germe et le sol, la matrice nourricière et les éléments de la plante que l’homme élève, modèle, peint, sculpte ensuite à sa guise.

Si entêtée, si confuse, si bornée qu’elle soit, elle s’est enfin soumise, et son maître est parvenu à changer par