Aller au contenu

Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/205

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Le fiacre s’arrêta devant la taverne ; de nouveau, des Esseintes descendit et il pénétra dans une longue salle, sans dorure, brune, divisée par des cloisons à mi-corps, en une série de compartiments semblables aux boxs des écuries ; dans cette salle, évasée près de la porte, d’abondantes pompes à bières se dressaient sur un comptoir, près de jambons aussi culottés que de vieux violons, de homards peints au minium, de maquereaux marinés, avec des ronds d’oignons et de carottes crus, des tranches de citron, des bouquets de laurier et de thym, des baies de genièvre et du gros poivre nageant dans une sauce trouble.

L’un de ces boxs était vide. Il s’en empara et héla un jeune homme en habit noir, qui s’inclina en jargonnant des mots incompréhensibles. Pendant que l’on préparait le couvert, des Esseintes contempla ses voisins ; de même qu’à la Bodéga, des insulaires, aux yeux faïence, au teint cramoisi, aux airs réfléchis ou rogues, parcouraient des feuilles étrangères ; seulement des femmes, sans cavaliers, dînaient, entre elles, en tête à tête, de robustes Anglaises aux faces de garçon, aux dents larges comme des palettes, aux joues colorées, en pomme, aux longues mains et aux longs pieds. Elles attaquaient, avec une réelle ardeur, un rumpsteak-pie, une viande chaude, cuite dans une sauce aux champignons et revêtue de même qu’un pâté, d’une croûte.

Après avoir perdu depuis si longtemps l’appétit, il