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Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/255

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Puis, il sortit du Musée et, sans quitter la ville, flâna en chemin, vagabonda par la rue du Sommerard et le boulevard Saint-Michel, s’embrancha dans les rues avoisinantes et s’arrêta devant certaines boutiques dont la fréquence et dont la tenue toute spéciale l’avaient maintes fois frappé.

Commencé à propos d’un astrolabe, ce voyage spirituel aboutissait aux caboulots du quartier Latin.

Il se rappelait la foison de ces établissements, dans toute la rue Monsieur-le-Prince et dans ce bout de la rue de Vaugirard qui touche à l’Odéon ; parfois, ils se suivaient, ainsi que les anciens riddecks de la rue du Canal-aux-Harengs, d’Anvers, s’étalaient, à la queue-leu-leu, surmontant les trottoirs de devantures presque semblables.

Au travers des portes entr’ouvertes et des fenêtres mal obscurcies par des carreaux de couleur ou par des rideaux, il se souvenait d’avoir entrevu des femmes qui marchaient, en se traînant et en avançant le cou, comme font les oies ; d’autres prostrées sur des banquettes, usaient leurs coudes au marbre des tables et ruminaient, en chantonnant, les tempes entre les poings ; d’autres encore se dandinaient devant des glaces, en pianotant, du bout des doigts, leurs faux cheveux lustrés par un coiffeur ; d’autres enfin tiraient d’escarcelles aux ressorts dérangés, des piles de pièces blanches et de sous qu’elles alignaient, méthodiquement, en des petits tas.