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Page:Huysmans - A Rebours, Crès, 1922.djvu/319

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Eh ! croule donc, société ! meurs donc, vieux monde ! s’écria des Esseintes, indigné par l’ignominie du spectacle qu’il évoquait ; ce cri rompit le cauchemar qui l’opprimait

Ah ! fit-il, dire que tout cela n’est pas un rêve ! dire que je vais rentrer dans la turpide et servile cohue du siècle ! Il appelait à l’aide pour se cicatriser, les consolantes maximes de Schopenhauer ; il se répétait le douloureux axiome de Pascal : « L’âme ne voit rien qui ne l’afflige quand elle y pense », mais les mots résonnaient, dans son esprit comme des sons privés de sens ; son ennui les désagrégeait, leur ôtait toute signification, toute vertu sédative, toute vigueur effective et douce.

Il s’apercevait enfin que les raisonnements du pessimisme étaient impuissants à le soulager, que l’impossible croyance en une vie future serait seule apaisante.

Un accès de rage balayait, ainsi qu’un ouragan, ses essais de résignation, ses tentatives d’indifférence. Il ne pouvait se le dissimuler, il n’y avait rien, plus rien, tout était par terre ; les bourgeois bâfraient de même qu’à Clamart sur leurs genoux, dans du papier, sous les ruines grandioses de l’Église qui étaient devenues un lieu de rendez-vous, un amas de décombres, souillées par d’inqualifiables quolibets et de scandaleuses gaudrioles. Est-ce que, pour montrer une bonne fois qu’il existait, le terrible Dieu de la Genèse et le pâle Décloué du Golgotha n’allaient point ranimer les