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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/193

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MILLET

Tenez encore que pendant le gel, le paysan se repose et se chauffe les tibias devant des bourrées qui ne coûtent rien et que, pendant ce temps, la femme du peuple trie des escarbilles, fait des pâtés de vieux coke mouillé dans des terrines, se ranime, elle et ses mioches, au hasard des détritus, le mieux qu’elle peut ; en fin de compte, les paysans ne sont pas à plaindre quand on compare leur sort à celui des ouvriers et même à celui de la plupart des employés des villes.

Il est donc souverainement injuste de promulguer notre pitié et de revendiquer en faveur de ces paresseuses brutes une compassion que méritent seuls les mercenaires endoloris des besognes closes.

Mais il faut bien le dire aussi, Millet devait les comprendre ainsi, ses frères de charrue, ses parents d’étable. Lisez ses biographes. L’un des Mantz qui fonctionne dans le vestibule du catalogue vendu à la maison du quai, raconte que Millet avait suivi l’école, dans son village, puis qu’il était venu étudier la peinture chez Delaroche, à Paris ; c’est toujours la même chose ; nous sommes en face d’un fils de paysan, d’un