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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/205

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GOYA ET TURNER

tent pas une idée complète de cette peinture turbulente et féroce, de ce mors aux dents du dessin, de ce délire d’impressionniste pétrissant à pleins poings la vie, de ce cri furieux, de ce cabrement exaspéré de l’art.

Quant au Turner, lui aussi vous stupéfie, au premier abord. On se trouve en face d’un brouillis absolu de rose et de terre de sienne brûlée, de bleu et de blanc, frottés avec un chiffon, tantôt en tournant en rond, tantôt en filant en droite ligne ou en bifurquant en de longs zigzags. On dirait d’une estampe balayée avec de la mie de pain ou d’un amas de couleurs tendres étendues à l’eau dans une feuille de papier qu’on referme, puis qu’on rabote, à tour de bras, avec une brosse ; cela sème des jeux de nuances étonnantes, surtout si l’on éparpille, avant de refermer la feuille, quelques points de blanc de gouache.

C’est cela, vu de très près, et, à distance, de même que pour le Goya, tout s’équilibre. Devant les yeux dissuadés, surgit un merveilleux paysage, un site féerique, un fleuve irradié coulant sous un soleil dont les rayons s’irisent. Un pâle firmament fuit à perte de vue, se noie dans