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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/215

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LA SALLE DES ÉTATS AU LOUVRE

À côté de Delacroix, un seul peintre, installé dans cette même salle du Louvre, parvient à ne pas trop fléchir, c’est le vieil Ingres. Je ne parle pas ici de son Apothéose d’Homère, cette glaciale transposition dans la peinture d’un bas-relief déjà médiocre. Je laisse également de côté sa mongolfière à forme humaine qu’il dénomme Angélique et son Bain si rigidement ennuyeux, avec sa femme, coiffée d’un madras, nue, nous tournant le dos, alors que derrière les tubulures d’un rideau de tôle apparaît, crachant dans une invisible piscine, une tête de lion dérobée au ceinturon d’un artilleur auquel elle servait certainement de boucle.

Sorti du portrait, Ingres n’est rien ; c’est un calligraphe patient, un Chouilloux des Radrets de la peinture, un pète-sec laborieux, un chef de division de la préfecture des arts, et encore dans le portrait se dédouble-t-il, étant, tour à tour, odieusement pataud et curieusement subtil.

Pataud, dans le portrait de Madame Moitessier, une femme aux chairs conservées dans l’appareil frigorifique d’une Morgue, un mannequin congelé, assis dans une robe à fleurs blanches