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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/230

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CERTAINS

sujet du tableau demeure donc mystérieux, et, ce qui ajoute encore à l’énigme de la scène, c’est le visage de la Vierge, douloureux et altier, sous ses yeux baissés, des yeux qu’on devine pareils à ceux du saint Quentin, limpides à la surface et troubles au fond. Aucun des personnages ne concourt, du reste, à l’explication du groupe. Indifférents à la Madone et à l’Enfant Jésus qui sourit et joue, les saints regardent fixement, tristement, devant eux et aucun lien ne semble rattacher entre elles ces hautes figures dont la vie vous poursuit et vous presse.

Et alors l’on s’aperçoit que toutes cependant se ressemblent. On dirait du saint Benoît, le père, de Marie et du saint Quentin, la sœur et le frère, et du petit ange vêtu de rose jouant de la viole d’amour, l’enfant issu du diabolique accouplement de ces Saints. Le vieillard est un père qui a résisté aux aguets d’épouvantables stupres, et dont le fils et la fille ont cédé aux tentations de l’inceste et jugent la vie trop brève pour expier les terrifiantes délices de leur crime ; l’enfant implore le pardon de son origine, et chante de dolentes litanies pour détourner la souveraine colère du Très-Haut.