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Page:Huysmans - Certains, 1908.djvu/56

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CERTAINS

rues rectilignes, coupées au cordeau, bordées de maisons glaciales, de bâtisses peintes au lait de chaux, d’édifices plats et mornes, dont l’aspect dégage un ennui atroce.

L’irrémédiable sottise des architectes a, du reste, ardemment suivi l’idéal casernier des ingénieurs ; le public est enfin satisfait car aucune œuvre d’art n’offusquera plus désormais sa vue. Il est d’ailleurs convaincu que Paris est sain. Jadis les rues étaient étroites et les logis vastes, maintenant les rues sont énormes et les chambres microscopiques et privées d’air ; l’espace demeure le même, mais se répartit de façon autre ; il paraît qu’au point de vue de l’hygiène, cela constitue un exorbitant bénéfice.

Toujours est-il que sur cette teinte générale, d’un gris morose, les affiches de M. Chéret détonnent et qu’elles déséquilibrent, par l’intrusion subite de leur joie, l’immobile monotonie d’un décor pénitentiaire enfin posé ; cette dissonance compromet l’ensemble de l’œuvre réalisée par M. Alphand.

Autrefois, en effet, les placards en couleur affichés sur les palissades des maisons en construction ou le long des murs étaient d’une telle