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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/122

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et les prêtres ont raison de le présenter ainsi car, sans cela, les fidèles ne comprendraient plus ou prendraient, épouvantés, la fuite.

Mais si Dieu juge que la religion tempérée suffit amplement aux masses, croyez bien qu’il exige de plus pénibles efforts de la part de ceux qu’il daigne initier aux suradorables mystères de sa Personne ; il est nécessaire, il est juste qu’il les mortifie, avant de leur faire goûter l’ivresse essentielle de son union.

— En somme, le but de la Mystique, c’est de rendre visible, sensible, presque palpable, ce Dieu qui reste muet et caché pour tous ?

— Et de nous précipiter au fond de Lui, dans l’abîme silencieux des joies ! Mais afin d’en parler proprement, il faudrait oublier l’usage séculaire des expressions souillées. Nous en sommes réduits, pour qualifier ce mystérieux amour, à chercher nos comparaisons dans les actes humains, à infliger au Seigneur la honte de nos mots. Il nous faut recourir aux termes « d’union », de « mariage », de « noces », à des vocables qui puent le suint ! mais aussi, comment énoncer l’inexprimable, comment, dans la bassesse de notre langue, désigner l’ineffable immersion d’une âme en Dieu ?

— Le fait est, murmura Durtal…, mais, pour en revenir à sainte Thérèse

— Elle aussi, interrompit l’abbé, a traité de cette « Nuit obscure » qui vous apeure ; seulement elle n’en a parlé qu’en quelques lignes ; elle l’a qualifiée d’agonie de l’âme, de tristesse si amère qu’elle essaierait en vain de la dépeindre.

— Sans doute, mais je l’aime mieux que saint Jean