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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/198

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ne tiens que parce que je ne suis pas tenté ; je ne vaux pas mieux que lorsque je péchais. Avouez que je suis dans un bien misérable état pour me retirer dans une Trappe.

— Vos raisons sont pour le moins fragiles, répondit l’abbé :

Vous me dites d’abord que vous êtes distrait dans vos prières, inapte à ne point disperser vos sens ; mais vous êtes comme tout le monde, en somme ! Sainte Térèse, elle-même, déclare que bien souvent elle ne pouvait réciter le « Credo » sans s’évaguer : c’est là une faiblesse dont il sied de prendre humblement son parti ; il convient surtout de ne pas s’appesantir sur ces maux, car la crainte de les voir revenir en assure l’assiduité ; on se distrait de ses oraisons par la peur même de ces distractions et par le regret de les avoir eues ; allez plus de l’avant, cherchez le large, priez du mieux que vous pourrez et ne vous inquiétez pas !

Vous m’affirmez, d’autre part, que si vous rencontriez une personne dont les attraits vous troublent, vous succomberiez ; qu’en savez-vous ? pourquoi prendre souci de séductions que Dieu ne vous inflige pas encore et qu’il vous épargnera peut-être ? pourquoi douter de sa miséricorde ? pourquoi ne pas croire au contraire, que s’il jugeait la tentation utile, il vous aiderait assez pour vous empêcher de sombrer ?

Dans tous les cas, vous n’avez pas à appréhender par anticipation le dégoût de votre faiblesse ; l’Imitation l’atteste : « quoi de plus insensé et de plus vain que de s’affliger de choses futures qui n’arriveront peut-être jamai »s. Non, c’est assez de s’occuper du présent, car,