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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/289

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Fatalement, il délibéra sur lui-même. Il était le seul qui ne communiait pas, car il voyait, sortant le dernier derrière l’autel, M. Bruno qui rejoignait, les bras croisés, sa place.

Cette exclusion lui faisait si clairement comprendre combien il était différent, combien il était éloigné de ce monde-là ! Tous étaient admis et, lui seul, restait. Son indignité s’attestait davantage et il s’attristait d’être mis à l’écart, traité, ainsi qu’il le méritait, en étranger, séparé de même que le bouc des Ecritures, parqué, loin des brebis, à la gauche du Christ.

Ces remarques lui furent saines, car elles dissipèrent la terreur de la confession qui s’affirmait encore. Cet acte lui parut si naturel, si juste, dans sa nécessaire humiliation, dans son indispensable souffrance, qu’il eût voulu l’accomplir tout de suite et pouvoir se représenter dans cette chapelle, émondé, lavé, devenu au moins un peu plus semblable aux autres.

Quand la messe prit fin, il se dirigea vers sa cellule pour y chercher une tablette de chocolat.

En haut de l’escalier, M. Bruno, enveloppé d’un grand tablier, s’apprêtait à nettoyer les marches.

Durtal l’examinait, surpris. L’oblat sourit et lui serra la main.

— C’est une excellente besogne pour l’âme, fit-il, en montrant son balai ; cela vous rappelle aux sentiments de modestie que l’on est trop enclin à oublier, lorsqu’on a vécu dans le monde.

Et il se mit à frotter vigoureusement et à recueillir sur une pelle la poussière qui remplissait, comme une poudre de poivre, les salières creusées dans les carreaux du sol.