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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/330

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laïques qui supportiez aussi facilement notre régime. Généralement, tous ceux qui ont tenté de faire une retraite parmi nous étaient rongés par la nostalgie et par le spleen et ils n’avaient plus qu’un désir, prendre la fuite.

Voyons, reprit-il, après une pause ; il n’est tout de même pas possible qu’un changement si brusque d’habitudes n’amène point des privations pénibles ; il en est une, au moins, que vous devez ressentir plus vivement que les autres ?

— C’est vrai, la cigarette, allumée à volonté, me manque.

— Mais, fit l’abbé qui sourit, je présume que vous n’êtes pas resté sans fumer, depuis que vous êtes ici ?

— Je mentirais si je vous racontais que je n’ai pas fumé en cachette.

— Mon Dieu, le tabac n’avait pas été prévu par saint Benoît ; sa règle n’en fait donc pas mention et je suis dès lors libre d’en permettre l’usage ; fumez donc, monsieur, autant de cigarettes qu’il vous plaira et sans vous gêner.

Et Dom Anselme ajouta :

— J’espère avoir un peu plus de temps à moi, prochainement, — si toutefois je ne suis pas encore obligé de garder la chambre, — auquel cas je serais heureux de causer longuement avec vous.

Et le moine, qui paraissait exténué, leur serra la main. En redescendant avec l’oblat dans la cour, Durtal s’écria :

— Il est charmant le père abbé, et il est tout jeune.

— Il a quarante ans à peine.

— Il a l’air vraiment souffrant.

— Oui, il ne va pas et il lui a fallu, ce matin, une