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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/354

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que M. Bruno était allé à Saint-Landry, afin d’y effectuer quelques achats, et qu’il ne reviendrait que pour le coucher, à huit heures ; dînez donc sans plus tarder et dépêchez-vous, car tous les plats vont être froids.

— Et comment se porte le père abbé ?

— Doucement ; il garde encore la chambre, mais il espère pouvoir, après-demain, descendre un peu pour assister au moins à quelques-uns des offices.

Et le moine salua et disparut.

Durtal se mit à table, mangea d’une soupe à l’eau de fèves, avala un œuf mollet, une cuillerée de fèves tièdes et comme, une fois dehors, il longeait la chapelle, il y entra et s’agenouilla devant l’autel de la Vierge ; mais aussitôt l’esprit de blasphème l’emplit ; il voulut à tout prix insulter la Vierge ; il lui sembla qu’il éprouverait une joie âcre, une volupté aiguë, à la salir et il se retint, se crispa la face pour ne pas laisser échapper les injures de roulier qui se pressaient sur ses lèvres, qui se disposaient à sortir.

Et il détestait ces abominations, il se révoltait contre elles, il les refoulait avec horreur et l’impulsion devenait si irrésistible qu’il dut, pour se taire, se saigner, à coups de dents, la bouche.

C’est un peu fort d’entendre gronder en soi le contraire de ce que l’on pense, se dit-il ; mais il avait beau appeler toute sa volonté à l’aide, il sentait qu’il allait céder, cracher quand même ces impuretés, et il s’enfuit, songeant que mieux valait, s’il n’y avait plus moyen de résister, vomir ces ordures dans la cour plutôt que dans l’église.

Et dès qu’il eut quitté la chapelle, cette folie de