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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/403

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pas ce majestueux, cet admirable Magnificat Royal qu’à Paris l’on chante.

Ils sont étonnants avec leurs superbes voix, ces moines, se disait Durtal et il sourit, tandis qu’ils achevaient le cantique de la Vierge, car il se rappelait que, dans la primitive Église le chantre s’appelait « fabarius cantor », « mangeur de fèves », parce qu’il était condamné à manger ces légumes pour fortifier sa voix. Or, à la Trappe, les plats de fèves étaient fréquents ; c’était peut-être là la recette des voix monastiques toujours jeunes !

Et il rêvassait à la liturgie et au plain-chant, en fumant des cigarettes, après Vêpres, dans les allées.

Il se remémorait le symbolisme de ces heures canoniales qui retraçaient, chaque jour, au fidèle, la brièveté de la vie, lui en résumaient l’image, depuis l’enfance jusqu’à la mort.

Récitée, dès l’aube, Prime figurait l’adolescence ; Tierce la jeunesse ; Sexte la pleine vigueur de l’âge ; None les approches de la vieillesse et les Vêpres allégorisaient la décrépitude. Elles appartenaient d’ailleurs aux Nocturnes et elles se psalmodiaient jadis à six heures du soir, à cette heure où, au temps des équinoxes, le soleil se couche dans la cendre rouge des nuées. Quant aux Complies, elles retentissaient, alors que, symbole du trépas, la nuit était venue.

Cet office canonial était un merveilleux rosaire de psaumes ; chaque grain de chacune de ces heures se référait aux différentes phases de l’existence humaine, suivait, peu à peu, les périodes du jour, le déclin de la destinée, pour aboutir au plus parfait des offices, aux Complies,