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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/55

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faits, en cuvant, avec des prostituées, les boissons de crimes, les absinthes cuivrées et les trois six !

Dans ce territoire réservé du Satanisme, elle émergeait, délicate et petite, frileusement emmitouflée dans les guenilles des cabarets et des taudis ; et, de loin, elle dressait encore, au-dessus des toits, son clocher frêle, pareil à une aiguille piquée, la pointe en bas et ajourant en l’air son chas au travers duquel on apercevait, surplombant une sorte d’enclume, une minuscule cloche. Telle elle apparaissait, du moins, de la place Saint-André-des-Arts. Symboliquement, on eût dit d’un miséricordieux appel toujours repoussé par des âmes endurcies et martelées par les vices, de cette enclume qui n’était qu’une illusion d’optique et de cette très réelle cloche.

Et dire, songeait Durtal, dire que d’ignares architectes et que d’ineptes archéologues voudraient dégager Saint-Séverin de ses loques et la cerner avec les arbres en prison d’un square ! Mais elle a toujours vécu dans son lacis de rues noires ! Elle est volontairement humble, en accord avec le misérable quartier qu’elle assiste. Au Moyen Age, elle était un monument d’intérieur et non l’une de ces impétueuses basiliques que l’on dressait en évidence sur de grandes places.

Elle était un oratoire pour les pauvres, une église agenouillée et non debout ; aussi serait-ce le contre-sens le plus absolu que de la sortir de son milieu, que de lui enlever ce jour d’éternel crépuscule, ces heures toutes en ombre, qui avivent sa dolente beauté de servante en prière derrière la haie impie des bouges !

Ah ! si l’on pouvait la tremper dans l’atmosphère embrasée de Notre-Dame des Victoires et adjoindre à sa