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Page:Huysmans - En route, Stock, 1896.djvu/99

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finissent par s’engager dans la voie divine, après avoir vagabondé, pendant des années, au hasard des routes, n’invoquent pas le Seigneur, dès leur réveil. L’âme se croit mieux portante au lever du jour, elle s’estime plus solide et elle profite aussitôt de cette passagère énergie pour oublier Dieu. Mais il en est d’elle ainsi que du corps lorsqu’il est malade. Dès que la nuit vient, les affections s’aggravent, les douleurs assoupies se réveillent, la fièvre qui dormait se ranime, les ordures ressuscitent et les plaies ressaignent, et alors elle songe au divin Thaumaturge, elle songe au Christ. Priez-vous le soir ?

— Parfois… et c’est difficile pourtant ! Les après-midi sont encore possibles, mais, vous le dites justement, quand le jour disparaît, les maux sévissent. C’est toute une chevauchée d’idées obscènes qui me passe alors dans la cervelle ! Allez donc vous recueillir dans ces moments-là.

— Si vous ne vous sentez pas la force de résister, dans la rue ou chez vous, pourquoi ne vous réfugiez-vous point dans les églises ?

— Mais elles sont fermées lorsqu’on a le plus besoin d’elles, le clergé couche Jésus aussitôt que la nuit tombe !

— Je le sais ; mais si la plupart des églises sont closes, il en est quelques-unes pourtant qui restent entrebâillées assez tard. Tenez, Saint-Sulpice est du nombre ; puis, il en est encore une qui demeure ouverte tous les soirs et qui, par tous les temps, assure les prières et les chants du Salut à ses visiteurs : Notre-Dame des Victoires ; vous la connaissez, je pense.