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Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/109

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mode de souffrir. En un mot, pendant le drame du Calvaire, l’humanité prédomina chez l’Homme-Dieu et ce fut atroce. Lorsqu’il se sentit tout à coup si faible, et qu’il envisagea l’effroyable fardeau d’iniquités qu’il s’agissait de porter, il frémit et tomba sur la face.

Les ténèbres de la nuit s’ouvraient, enveloppaient de leurs pans énormes comme d’un cadre d’ombre, des tableaux éclairés par on ne sait quelles lueurs. Sur un fond de clartés menaçantes, les siècles défilaient un à un, poussant devant eux les idolâtries et les incestes, les sacrilèges et les meurtres, tous les vieux méfaits perpétrés depuis la chute du premier homme — et ils étaient salués, acclamés au passage par les hourras des mauvais anges ! — Jésus excédé baissa les yeux — lorsqu’il les releva, ces fantômes des générations disparues s’étaient évanouis, mais les scélératesses de cette Judée qu’il évangélisait, grouillaient en s’exaspérant, devant Lui. Il vit Judas, il vit Caïphe, il vit Pilate, il vit… saint Pierre ; il vit les effrayantes brutes qui allaient lui cracher au visage et lui ceindre le front de points de sang. La croix se dressait, hagarde, sur les cieux bouleversés et l’on entendait les gémissements des Limbes. Il se remit debout, mais, saisi de vertige, il chancela et chercha un bras pour se soutenir, un appui. — Il était seul. —

Alors il se traîna jusqu’à ses disciples qui dormaient, dans la nuit demeurée paisible, au loin, et il les réveilla. Ils le regardèrent, ahuris et craintifs, se demandant si cet homme, aux gestes éperdus et aux