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Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/117

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— Que ferez-vous donc quand vous serez dévorée par les bêtes ? disait cet homme.

Et la sainte répliqua :

— C’est moi qui souffre maintenant, mais alors que je serai martyrisée, ce sera un autre qui souffrira pour moi, parce que je souffrirai pour Lui. »

Il est très difficile d’analyser cette vie si différente des nôtres qu’entremêlent, la plupart du temps, de modiques tortures et de minimes liesses. Nos exultations sont, en effet, ainsi que nos peines, médiocres ; nous vivons dans un climat tempéré, dans une zone de piété tiède où la flore est rabougrie et la nature débile. Lydwine, elle, avait été arrachée d’une terre inerte pour être transplantée dans le sol ardent de la mystique ; et la sève jusqu’alors engourdie bouillonnait sous le souffle torride de l’Amour, et elle s’épanouissait en d’incessantes éclosions d’impétueuses délices et de furieux tourments.

Elle pantelait, se tordait, crissait des dents ou gisait à moitié morte et elle était ravie, au même instant ; elle ne vivait plus, dans un sens comme dans l’autre, que d’excès ; l’exubérance de sa jubilation compensait l’abus de ses peines ; elle le disait très simplement : « les consolations que je ressens sont proportionnées aux épreuves que j’endure et je les trouve si exquises que je ne les changerais pas pour tous les plaisirs des hommes. »

Et cependant la meute de ses maladies continuait à la dilacérer ; elle fondait sur elle avec une recrudescence de rage ; son ventre avait fini par éclater, ainsi