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Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/216

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Une autre fois, ce don que Dieu lui avait accordé de la double vue lui permit d’assister de chez elle à la scène que voici :

Un soir, un des plus merveilleux soûlauds de Schiedam, un nommé Otger, s’attabla dans une des tavernes de la ville avec d’autres ivrognes ; ceux-ci, après avoir humé de copieuses rasades, s’avisèrent, avant de rouler sous la table, de déblatérer contre Lydwine. À les entendre, elle festinait en cachette et était, à la fois, une hypocrite et une possédée ; bien qu’il eût, ainsi que ses camarades, l’armet échauffé par la boisson, Otger ne put s’empêcher de s’indigner et s’exclama :

— Écoutez, mieux vaudrait nous taire que de calomnier de la sorte une pauvre fille malade, que tout le monde sait être et pieuse et charitable : notre habituelle sottise nous incite à commettre assez de fautes sans encore que nous y ajoutions celle-là !

Cette leçon les irrita et l’un des plus enragés de ces pochards gifla Otger en criant : comment toi qui es né et nourri dans le péché, tu as l’aplomb de nous morigéner ? allons, vaurien, file et au plus vite !

— Je reçois ce soufflet sans me venger, fit Otger subitement dégrisé ; je le reçois parce qu’il m’a été donné pour avoir défendu l’honneur d’une sainte ; et il partit.

Lydwine suivait, de son lit, cette scène. Elle envoya chercher Jan Walter, le mit au courant de l’incident et lui dit :

— Demain matin, père, vous vous rendrez, dès la