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Page:Huysmans - Sainte Lydwine de Schiedam (1912).djvu/97

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subit absorbe tout ; l’on ne peut plus penser qu’à soi-même et le temps se passe à déplorer son infortune. Ces prières que l’on continue cependant, par un reste d’habitude, par une incitation secrète du ciel, ces prières que l’on jugerait devoir être d’autant mieux écoutées qu’elles sont plus méritoires, car elles coûtent tant ! elles finissent, à un moment de trop grande douleur, par s’exaspérer, par se dresser devant Dieu, comme une sommation, comme une mise en demeure de tenir les promesses de ses Évangiles ; l’on se répète amèrement le « demandez et il vous sera donné », et elles s’achèvent dans la lassitude et le dégoût ; l’à quoi bon s’insinue peu à peu de tant d’efforts et lorsque dans un instant de provisoire ferveur, dans une minute d’adoucissement des crises, l’on veut se remettre à prier, il semble que l’on ne sait plus. Les invocations, à peine lancées du bord du cœur, retombent à plat et l’on croit sentir que le Christ ne se baisse pas pour les ramasser ; c’est la tentation de désespoir qui commence ; et, tandis qu’il tisonne le brasier des tortures, l’Esprit de Malice devient pathétique et plaintif ; il insiste sur la fatigue des vœux réprouvés, sur l’inefficace des oraisons et le malade s’abat sur lui-même, à bout de force.

L’horizon est noir et les lointains sont clos. Dieu dont le souvenir quand même domine n’apparaît plus qu’ainsi qu’un inexorable thaumaturge qui pourrait vous guérir d’un signe et ne le veut pas. Il n’est même plus un indifférent, il est un ennemi ; l’on aurait plus de miséricorde que Lui, si l’on était à sa place ! Est-ce qu’on laisserait ainsi souffrir des gens que l’on