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Page:Ingres d’après une correspondance inédite, éd. d’Agen, 1909.djvu/135

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même froissée et maltraitée, ne finira pas par se retirer ou du moins par se refroidir ; et j’espère que tu excuseras encore ton ami et ne l’abandonneras pas au chagrin que lui donnent ses fautes, parce que, au fond, (et cela est bien vrai), elles sont bien loin de venir du cœur. Je suis toujours le tien, et toujours plus que jamais. Il n’y a pas d’instant où je ne communique d’idée et de cœur avec toi : mais je ne sais quel embarras, (je ne sais comment appeler cette pigrerie), j’éprouve à écrire. Je ne sais plus m’exprimer, et j’ai tant à dire toujours. Les soucis de la vie viennent pardessus, et Dieu sait ce qu’ils sont ici ! Enfin, tout en pensant à toi, mon meilleur ami, je ne t’écris pas et j’en suis à toute heure, à tout moment, le plus malheureux homme du monde. Ceci est aussi pour tous ; parents, amis, affaires, tout en souffre.

Mes deux grandes caisses, expédiées depuis trois mois et demi, ne m’arrivent pas, et je n’ai pu, depuis deux mois, écrire un mot, un seul, pour en demander des nouvelles. À tout moment, elles me manquent ; je suis désespéré. Ma bonne femme n’a pas plus que moi la bosse d’écrire, et me voilà, au milieu de Paris, encore sans appartement et sans ateliers. J’ai des commandes et à choisir, une considération à laquelle tout le monde applaudit, et je demeure pour ainsi dire les mains liées. Et pourquoi ? Parce qu’il est fort difficile de trouver ce qui convient à un peintre d’histoire qui a besoin d’un loge-